L’histoire de la Main
Montréal est une ville de quartiers, dont le caractère s’est façonné au fil des ans par l’arrivée d’une population aux origines diverses. Le boulevard Saint-Laurent, véritable «couloir» de l’immigration, constitue ainsi la démarcation entre l’est et l’ouest de Montréal, tant sur le plan de la toponymie et des adresses que sur le plan culturel. En effet, traditionnellement, l’ouest de la ville est davantage anglophone, et l’est, davantage francophone, alors que les minorités culturelles de toutes origines se concentrent dans l’axe même de ce boulevard perpendiculaire au fleuve Saint-Laurent.
La découverte de la Main – comme on l’appelle autrefois car, à la fin du XVIIIe siècle, elle constitue la principale artère du faubourg Saint-Laurent – demeure une activité urbaine fort intéressante en raison de ses nombreux attraits commerciaux et multiethniques.
D’abord créée à l’intérieur des fortifications, en 1672, sous le patronyme de Saint-Lambert, la «rue» Saint-Laurent devient, au XVIIIe siècle, une artère importante en se développant vers le nord, divisant l’île de Montréal en deux jusqu’à la rivière des Prairies.
En 1905, la Ville de Montréal lui donne le nom de «boulevard» Saint-Laurent. Entre-temps, vers 1880, la haute société canadienne-française conçoit le projet d’en faire les «Champs-Élysées» montréalais. Peuplé par des vagues successives d’immigrants qui débarquent dans le port, le boulevard ne connaîtra jamais la gloire prévue par ses promoteurs. Le tronçon compris entre les boulevards René-Lévesque et de Maisonneuve deviendra cependant le cœur de la vie nocturne montréalaise dès le début du XXe siècle. On y trouve de grands théâtres, tel le Français, où se produira Sarah Bernhardt. À l’époque de la prohibition (1919-1933), le secteur s’encanaille, attirant chaque semaine des milliers d’Américains qui fréquentent les cabarets et les lupanars (maisons de prostitution), nombreux dans le RedLight, le quartier chaud de Montréal, jusqu’à la fin des années 1950.